Lorsque j'ai découvert "La Confession d'un enfant du siècle", j'ai été frappée par une écriture subversive et libre. Un mélange explosif et délicat des sens et du coeur et une langue virtuose loin du cynisme parfois trop matérialiste des lumières et du sentimentalisme excessif du romantisme.

Il y a là une provocation littéraire et morale.

Musset se fait l'interprète d'un nouveau libertinage littéraire qu'il accompagne d'un code du comportement. Octave, héros de la "confession" a les poses et le langage de libertin, tout en cultivant un savant raffinement....

C'est l'histoire d'un enfant qui s'est cru un homme. Cette thématique de l'enfant rythme le récit comme un leitmotiv, augmente la part de mystère du personnage.

"J'ai mené la vie d'un libertin. Si vous saviez quelles horreurs, quelles perfidies monstrueuses a vues l'enfant qui est devant vous".

Comment savoir si Octave est une victime condamnée à la désespérance parce qu'il appartient à une génération perdue ou s'il trompe consciemment tout le monde ? Il use de l'innocence de l'enfance pour atténuer ses 'fautes'. Corrompu, certes, mais innocent et donc digne d'être aimé.

Loin de la ville 'corruptrice', il part à la quête du bonheur...Et il entrera en amour comme on entre en religion, avec tout au fond l'incapacité d'être heureux et le besoin de détruire ce qu'il adore. Il attise à plaisir les feux de l'enfer de la jalousie...."...Et ce coeur saignant offert comme sur un plateau..."

Y-a-t'il malgré tout la possibilité d'une île ?

"La Confession d'un enfant du siècle" est la source à laquelle nous sommes venus puiser, tout au long d'un "laboratoire ouvert autour de Musset" qui a commencé en 2009 avec "Le Chandelier", puis "Les Caprices de Marianne".

Cette Confession est donc au centre d'un voyage en compagnie de Musset et de sa "bande" de personnages, profondément ambigus, insaisissables, polyvalents, habités qu'ils sont par une multitude de désirs et de plaisirs, inspirés sans doute de la renaissance, aussi bien que du 18e siècle. On y trouve un vague soupçon de féminité qui vient de leur raffinement ou du fait qu'ils se trouvent à l'aise dans les lieux d'intimité avec les femmes.

Cela entraîne une fluctuation ou un brouillage de la ligne de démarcation précise qui sépare les hommes et les femmes :

" Peut-être était-ce l'ange avant-coureur des sociétés futures qui semait déjà dans le coeur des femmes les germes de l'indépendance humaine, que quelque jour elles réclameront. Mais il est certain que tout d'un coup, chose inouïe, dans tous les salons de Paris, les hommes passèrent d'un côté et les femmes de l'autre, et ainsi, les unes vêtues de blanc comme des fiancées, les autres vêtus de noir comme des orphelins, ils commencèrent à se mesurer des yeux"

Pour "La Confession", il y avait depuis le début du projet, comme une évidence, la présence d'un comédien qui m'accompagne depuis longtemps, et qui est entré dans la compagnie pour jouer l'Octave des "Caprices de Marianne" que j'avais monté en 1985. Et même si l'Octave des Caprices et celui de la Confession ne sont pas les mêmes personnages, ils sont de la même veine et j'avais envie de cette connivence là, de ce fil rouge de compagnonnage, de cette expérience là....Expérience de vie et de métier. Bertrand Farge sera donc au centre de ce travail.